L'arrestation

En 188 Contes à régler

Il était le premier extraterrestre à avoir posé le pied sur le sol de la Terre. Il venait de la planète Gryge, donc de plus loin que nous ne pouvions l'imaginer.

Le Grygien fut débarqué de nuit, loin d'une ville, dans le plus grand secret et le plus total silence. En France, selon un plan où tout avait été prévu.

Sa mission était celle d'un observateur qui ne devait en aucun cas se singulariser. Il avait été entraîné pendant des années pour passer inaperçu et surtout ne jamais se blesser en public, car son sang incolore aurait fait une bien curieuse impression. Il parlait le français, il était indiscutablement humain et il possédait même une fausse carte d'identité assez bien imitée au nom peu compromettant de Marcel Robert.

Il se retrouva logé dans un petit hôtel sur la côte d'Azur et c'est là qu'il comprit qu'en 1944 il était tombé en pleine guerre. Il le comprit avec plus d'acuité encore quand, un matin, à l'aube, les Allemands l'embarquèrent comme juif avec tous les clients de l'hôtel.

C'est dans un palace qu'il comparut devant l'officier de la Gestapo chargé de faire la vérification des identités. Il assistait au déroulement des événements avec un calme glacé car il appartenait à une race qui ne prenait pas grand-chose au tragique. L'officier, en revanche, eut une réaction de stupeur en toisant le beau visage aux traits singulièrement réguliers du Grygien, ses yeux bleus presque transparents, ses cheveux blonds presque blancs, son demi-sourire équivoque de défi. Il jeta à peine un coup d'œil sur la fausse carte d'identité du Grygien et lui dit :

Toutes nos excuses. De toute évidence, vous ne pouvez pas être juif.

- Ah! non, reconnut l'étranger avec un flegme qu'on aurait pu croire britannique.

On le relâcha immédiatement.

Même si l'officier avait un instant, de façon très fugitive, soupçonné Marcel Robert d'avoir de faux papiers, il lui avait suffi de le dévisager pour effacer toute arrière-pensée. Car il fallait bien reconnaître que la plupart des Allemands, à côté de lui, avaient l'air de juifs d'Europe centrale.