L'apocalypse

En 188 Contes à régler

Raffinés, rêveurs, intuitifs, allergiques à tout scientisme, pacifiques, très évolués mais sans ambition, athées et fermés à toute forme de mysticisme, les Scydres croyaient pourtant à l'apocalypse. Fragiles des nerfs, lucides pourtant, ils pressentaient depuis toujours que cette apocalypse serait la fin de leur monde et qu'elle aurait lieu avant l'an 2100.

Ils ne se trompaient pas. Elle arriva en 2097. L'horreur et la mort leur vinrent du ciel en quelques heures. Sans aucune implication religieuse ou divine. Par l'invasion de leur planète après un bombardement dévastateur.

Leurs envahisseurs s'étaient imposés depuis un demi-siècle comme les seuls conquérants de l'univers. Personne ne pouvait leur résister, personne ne pouvait les repousser. Les cieux étaient ensanglantés par leurs exploits et des dizaines de planètes avaient payé cher ce besoin effréné de conquérir, cette névrose de posséder, d'exploiter, de coloniser. Pour chaque créature de l'espace, qu'elle fût monstrueuse ou presque humaine, le nom de ces insatiables guerriers toujours vainqueurs était synonyme d'épouvante, de mort, de destruction : les Terriens.

Et les Scydres en particulier ne pouvaient pas être dupes: si une gigantesque armada terrienne fonçait vers leur planète, l'heure de l'apocalypse sonnerait vraiment en 2097.

Ou plus exactement, au lieu de sonner, elle éclata dans un insoutenable vacarme de fusées, de bombes, de missiles et de déflagrations ravageuses. Les Terriens savaient les Scydres inoffensifs, désarmés, incapables du moindre geste de violence, mais ils mettaient toujours à feu, à sang et en cendres les mondes qu'ils voulaient annexer. Par principe, pour le plaisir, pour se défouler, pour se prouver qu'ils étaient toujours des tueurs, souvent privés de gibier puisqu'ils ne se battaient plus entre eux sur Terre depuis que l'infini était devenu leur champ de bataille. En effet, sur la terre patrie, les forces étaient parfaitement équilibrées, cela finissait par coûter trop cher en vies humaines.

En revanche, comme tout était simple ailleurs ! Les Scydres vivaient tous groupés dans deux cités seulement, le reste de leur monde n'était qu'un seul désert. Deux villes seulement, quel jeu d'enfant pour les Terriens. Le bilan dépassa leurs ambitions : il n'y eut pas de survivants parmi les Scydres.

Ceux qui ne furent pas déchiquetés par les bombes, moururent de peur, foudroyés sur le coup par une imparable attaque cardiaque. Les Scydres avaient vraiment du cœur, donc ils l'avaient fragile. À eux, on pouvait le leur briser.