En 188 Contes à régler
Les explorateurs de l'espace, aguerris depuis de longues années, n'avaient pas seulement acquis une expérience à toute épreuve, mais un sens inné de la prudence quand ils devaient aborder un monde inconnu.
À première vue, puis après les investigations usuelles menées à distance, la planète P. 347 ressemblait de très près à la Terre. Une véritable planète sœur lointaine avec la différence qu'on n'y décelait aucune trace de ville ou même de village. A part cela, mêmes vastes étendues d'océans, même verdure envahissante, mêmes chaînes de montagnes, même composition de l'air et même température.
L'astronef se posa donc sans problèmes dans un paysage de western, sur un terrain de rocaille presque aussi bien nivelé qu'une piste d'atterrissage.
Des imprévus de toutes les espèces, les navigateurs en avaient affronté des dizaines, des tangibles et des invisibles à l'œil nu, des fulgurants et des lancinants, mais celui que leur réservait P. 347 était unique en son genre. Raison pour laquelle il leur fut fatal.
Ils avaient à peine touché le sol de cette planète qu'ils virent et sentirent qu'ils changeaient à vue. Mentalement et physiquement surtout. Chaque seconde qui passait les faisait vieillir. De façon si flagrante qu'au jugé une seconde sur ce monde devait dévorer un an de leur vie.
Comme ils savaient calculer vite et bien, ils réagirent de la même façon, se ruèrent à l'intérieur de la fusée et s'activèrent aux manœuvres du départ en catastrophe. Mais il y eut quelques cafouillages qui, malencontreusement, ne figuraient pas au programme. Une simple minute passa ainsi, une seule minute. Le plus jeune des navigateurs allait maintenant sur ses quatre-vingts ans, les autres étaient déjà morts de vieillesse. De nouvelles secondes s'égrenèrent, mais en vain. Seul un vieillard de plus de cent trente ans aurait pu faire décoller la fusée loin de ce tombeau. Il n'y en eut pas.